
Article publié par Le Courrier Picard le 23/03/2021


Autre version:
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Tribune Publiée le 06/04/2021 sur Le Monde.fr par Isabella Annesi-Maesano : « Il faut que l’air intérieur soit considéré comme un bien public » (extraits)
En 2020, j’ai fait partie du groupe de 239 chercheurs qui ont publié une lettre d’alerte sur l’importance de la contamination par le SARSCoV-2 en suspension dans l’air à l’intérieur des locaux.
Cet appel est resté lettre morte ! Plusieurs mesures sont proposées pour contenir la transmission du virus, mais paradoxalement, on oublie d’agir là où la transmission est la plus dangereuse.
Nous savons maintenant que le SARS-CoV-2 se transmet principalement par aérosol, terme utilisé pour indiquer
tout mélange de particules de taille inférieure à 5 micromètres, solides ou liquides, de nature chimique (métaux, diesel…) ou biologique (spores de moisissures, bactéries, virus…).
70-130 nanomètres
Plus ces particules sont petites, plus elles sont légères et restent facilement dans l’air en s’agrégeant sous la forme d’aérosols.
C’est le cas du SARS-CoV-2 qui est très petit (70-130 nanomètres) et qui a été retrouvé en suspension dans l’air pendant plusieurs heures (jusqu’à 3 heures) après avoir été émis par des sujets porteurs, même asymptomatiques, qui
parlaient, chantaient, exhalaient de l’air.
C’est ce qui explique la contamination, par une personne présentant des symptômes bénins de Covid19, des chanteurs d’une chorale dans le comté de Skagit (Etats-Unis), qui initialement avaient respecté les mesures barrières, masques, gel hydroalcoolique, plusieurs mètres de distanciation, mais qui avaient enlevé le masque pour chanter. A la suite de la répétition, plus de cinquante personnes avaient contracté la maladie et deux étaient décédées dans les semaines suivantes.
Le SARS-CoV-2 a été retrouvé en suspension dans l’air pendant plusieurs heures. Pour empêcher la transmission aéroportée du virus, il faut mettre en œuvre un plan d’assainissement de l’air intérieur dans les lieux publics.
Ou encore plus spectaculaire, les clients d’un restaurant à Wuhan (Chine), contaminés par un individu porteur du virus assis à des étages de distance, par le biais d’un système de ventilation mal adapté.
Désormais, la contamination par le SARS-CoV-2 en suspension à l’intérieur des locaux, accrue s’ils sont de petite dimension et mal ventilés, ne fait plus de doute.
Le dioxyde de carbone indicateur
En France, l’étude ComCor de l’Institut Pasteur montre que, dans le cas des contaminations extra-domiciliaires, 80 % des contacts avaient lieu à l’intérieur des locaux, fenêtres fermées, et cela en dépit du respect des gestes barrière. Aussi, l’OMS a reconnu que la transmission aéroportée était possible dans les espaces bondés, fermés ou mal ventilés. La récupération d’aérosols émis a démontré la présence de virions infectieux et réplicatifs, qui étaient intacts et ainsi capables d’infecter.
Ainsi, il paraît évident que pour endiguer e!cacement la propagation du SARS-CoV-2, il faut compléter les mesures actuellement adoptées (hygiène, port du masque, distanciation interindividuelle, confinement) par des mesures de prévention de la transmission des aérosols à l’intérieur des locaux. L’enjeu est de taille car, dans les pays industrialisés, les individus passent jusqu’à 90 % de leurs temps à l’intérieur.
En plus de l’ouverture des fenêtres, qui n’est pas toujours possible, il faut augmenter la distanciation dans les espaces bondés, définir des jauges de fréquentation des locaux et installer des appareils capables de piéger l’aérosol en suspension contenant le virus (ventilations, hottes, purificateurs d’air et filtres, pompes à chaleur actuellement à l’étude).
D’ailleurs, dans tous les lieux à fréquentation du public, il faudrait employer le dioxyde de carbone (CO2) comme indicateur d’alerte, car plus sa teneur augmente plus le risque de transmission du SARSCoV-2 est important.
D’une façon plus générale, il faut établir et appliquer des règles de façon à contrôler la qualité de l’air dans les immeubles et ainsi prévenir des futures menaces infectieuses, mais aussi à diminuer la pollution de l’air intérieur, qui est responsable de plusieurs problèmes sanitaires graves. En somme, il faut que l’air intérieur soit considéré comme un bien public, car ayant un impact communautaire.
Plusieurs raisons confirment l’urgence de la situation. Le confinement sans air purifié peut être vraiment délétère pour les individus des classes sociales défavorisées qui habitent des logements exigus, comme nous l’avons observé dans le Grand Paris où la précarité est associée à la sévérité et à la surmortalité par le Covid-19, où l’état des patients souffrant de maladies chroniques s’aggrave en raison de l’augmentation des expositions intérieures.
Par ailleurs, le confinement parfait semble difficile à mettre en œuvre, comme indiqué par une analyse récente montrant que dans 98 % des quatre-vingt-sept études considérées, le confinement ne réduisait pas le nombre de décès par le Covid-19.
L’exemple du Japon
D’autre part, le Japon nous a montré que le confinement pouvait être évité par le biais du contrôle de la transmission aérienne du SARS-CoV-2. A ce jour, le Japon fait état de 9 242 décès dans une population de 126 millions d’habitants, dont 26 % sont âgés de plus de 65 ans et présentent a priori un risque plus élevé de contracter le coronavirus (sources: https://covidly.com). Cela grâce à la politique des « 3 Cs » (« closed spaces, crowded places, close-contact settings »), à savoir l’évitement des espaces fermés, des lieux bondés et des contacts étroits.
Manque de vaccins
Assainir l’air intérieur est à entreprendre aussi car en raison des mutations du virus, du manque de vaccins pour les enfants, de l’existence au niveau mondial de poches de vulnérabilité où la maladie peut surgir et se propager à tout moment, l’immunité collective pourrait être plus difficile que prévu, voire impossible à atteindre. Même Israël, présenté comme l’exemple à suivre, ne peut rien contre le fait que les pays frontaliers vaccinent très peu.
A cela, il faut rajouter des considérations de type contextuelles : le manque de vaccins pour les presque 8 milliards d’habitants de la Terre. Comme l’a indiqué le pape François, il faut qu’aussi les habitants des pays pauvres reçoivent la protection vaccinale requise. Dans ce contexte morose, empêcher la transmission aéroportée du virus constitue le défi à relever. Il faut mettre en œuvre un plan d’assainissement de l’air dans les lieux à fréquentation du public (écoles, universités, lieux de culture, hôtels, restaurants, cafés, magasins…), les bureaux, les transports, les logements, soit par intervention directe de la part de l’administration, soit par des aides directes et du support technique.
C’est un beau chantier qui nous attend. En France, il y a tout le savoir-faire et l’expertise nécessaire à le réaliser. Cela va de soi que cela contribuerait aussi à créer de l’emploi.
Isabella Annesi-Maesano (Directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médical (Inserm), directrice adjointe de l’Institut Desbrest d’épidémiologie et santé publique, Inserm-université de Montpellier).
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Article paru dans les ECHOS le 26 Avril 2021 : Face au coronavirus, des solutions pour « nettoyer » l’air
Les Echos https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/face-au-coronavirus-des-solutions-pour-nettoyer-l’air.
Alors que le déconfinement partiel se profile et sachant que l’essentiel de la contamination se fait par voie aérienne, il devient incontournable de pouvoir limiter au maximum la circulation du virus dans les lieux publics. Les chercheurs testent des traitements à base d’UV, d’électrodes, de masques…
Par Jacques Henno Publié le 26 avr. 2021 à 15:00 Mis à jour le 26 avr. 2021 à 21:19
Si tout va bien, fin 2022, devraient être livrés les cinq immeubles post-Covid du campus Arboretum , à côté de la Défense (92). Ils se distingueront par leurs structures en bois, leurs grands escaliers extérieurs… « Et nous allons équiper les zones les plus à risque, comme les espaces de réunion, les cafétérias, les restaurants, les salles de sport, d’un traitement de l’air par des UV-C germicides », révèle Laurent Petit, directeur de l’ingénierie de WO2. Ce promoteur parisien est en négociation avec la société Ingenica, qui développe une gamme de « réacteurs de traitement microbiologique », des conduites d’air équipées de surfaces réfléchissantes et de lampes à UV-C , dans une longueur d’onde (254 nanomètres) qui n’engendre aucune création d’ozone, dangereux pour les humains. Ainsi, si une personne contagieuse est présente dans la pièce, avec ces appareils, l’air est décontaminé. « Quand un photon du rayonnement UV-C frappe l’ARN du virus, il le déforme et l’empêche de se reproduire : le virus est inactivé », détaille Olivier Perraud, PDG d’Ingenica.
Des méthodes parfois dangereuses
Robot vaporisant de l’eau oxygénée dans les rames du métro de Hong Kong, tissus traités au dioxyde de titane dans des bus, application sur les surfaces d’un verni dont les nano-pointes vont « faire exploser bactéries, champignons et virus »… Depuis le début de la pandémie, les recherches se multiplient partout dans le monde pour réduire la propagation du coronavirus présent sur les surfaces ou dans l’air, que ce soit dans les espaces publics, les bureaux, les écoles et même dans les blocs opératoires (voir encadré). Certaines méthodes sont dangereuses : sur son site, l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) met en garde contre la désinfection des surfaces par l’ozone gazeux , rappelle les effets de certains UV-C sur l’organisme humain, ainsi que les limites des revêtements biocides…
En un an, les connaissances sur les modes de propagation ont beaucoup évolué. « La contamination par les surfaces est désormais considérée comme minime : la voie de transmission prédominante est l’air », explique Fabien Squinazi, membre du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), qui promulgue rapports et avis au ministre de la Santé.
Dispersion des particules
Le nettoyage et le traitement des surfaces (lire ci-contre), le lavage des mains continuent toutefois d’être indispensables. Mais, depuis quelques mois, une plus grande attention est portée au rôle des particules que nous expulsons à chaque fois que nous respirons. Leur nombre et leur dispersion varient en fonction de notre activité : chanter fort émettrait jusqu’à 3,4 fois plus d’aérosols que parler fort.
L’utilisation de la strioscopie, une technologie réservée jusqu’ici à l’aéronautique, a permis de visualiser les conséquences d’une quinte de toux en termes de dispersion des particules. « Grâce à nos vidéos, tout le monde peut comprendre la nécessité de porter un masque », estime Kevin Nolan, chargé de cours et professeur adjoint à la
University College Dublin, spécialiste de la strioscopie. « Les particules que nous expulsons sont de tailles différentes mais sont essentiellement des petites gouttes de salive ou de mucus, arrachés à notre système respiratoire : elles
peuvent donc être porteuses de bactéries et autres virus », rappelle Simon Mendez, chercheur CNRS à l’Institut montpelliérain Alexander Grothendieck (université de Montpellier), spécialiste de la mécanique des fluides. Les particules assez lourdes pour être sensibles à la gravité tombent au sol ou sur une surface en moins de quelques
dizaines de secondes ou minutes. « Les particules plus petites sont, à l’air libre, dispersées par le vent mais peuvent rester présentes plusieurs heures en milieu fermé », précise Alexandre Nicolas, chercheur CNRS à l’Institut Lumière Matière (université de Lyon), spécialiste de la dynamique des foules.
Electrodes ionisantes
Dans une pièce, il n’y a que deux solutions : renouveler ou « nettoyer » l’air. Le renouvellement se fait en ouvrant les fenêtres ou grâce à une VMC (ventilation mécanique contrôlée) efficace. Comment savoir si l’air a été suffisamment rafraîchi ?
« La teneur en CO2, que nous exhalons en respirant, constitue un bon indicateur », précise Simon Mendez. Le site Web de Projet CO2, un groupe de travail d’enseignants-chercheurs, détaille comment gérer la ventilation à l’aide de détecteurs de CO2 : certains appareils émettent une alerte lorsqu’il faut aérer.
Mais comment « nettoyer » l’air ? On peut utiliser des purificateurs d’air, des UV-C et peut-être bientôt des électrodes ionisantes. « Seuls les purificateurs d’air équipés de filtres HEPA de classe minimale H13 […] permettent d’arrêter efficacement […] le virus », met en garde l’INRS. « Et dans les établissements scolaires, il faudrait, selon une
publication scientifique allemande, jusqu’à quatre purificateurs par classe, constate Fabien Squinazi. C’est impossible ! »
Les UV-C sont depuis longtemps utilisés pour le traitement de l’eau, la stérilisation des instruments chirurgicaux, des ciseaux… des coiffeurs. « En ce qui concerne le traitement de l’air, mon travail mais aussi celui de chercheurs européens ou japonais ont démontré l’utilité des lampes UV-C, dans une longueur d’onde – 222 nanomètres – entraînant l’émission d’une infime quantité d’ozone – sans danger pour l’homme », affirme David Brenner, directeur du centre de recherche en radiologie de l’université Columbia, à New York. Il a participé à l’installation de 50 de ces lampes dans une unité de réserve de l’US Air Force.
Dans les bus de Barcelone
« Les travaux de l’université de Kobe, au Japon, confirment l’innocuité de ces UV-C 222 nanomètres pour les humains », remarque Eric Breuil, président et fondateur d’UVmobi. Les technologies de traitement de l’air par UV-C de cette start-up parisienne ont été testées dans des bus à Barcelone et dans le spa d’un hôtel de l’Alpe d’Huez, grâce à un financement européen. De son côté, le ministère de la Santé britannique vient de débloquer l’équivalent de 340.000 euros pour l’étude de ces UV-C.
En Autriche, c’est sur un dispositif utilisant des milliers de micro-électrodes ionisantes, composées de « fibres polymères spécialement développées et d’un revêtement hautement conducteur », que planche l’entreprise Villinger, dans le cadre du projet européen CleanAir. « Nous avons fait une demande de brevet, donc je ne peux pas donner
beaucoup plus de détails », s’excuse le PDG, Markus Villinger. Les premiers marchés visés seront le monde médical, les bâtiments publics et le transport aérien. 3,2 millions d’euros seront investis dans CleanAir d’ici à octobre 2022.
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Article paru dans le FIGARO le 27 Avril 2021: Le capteur de CO2, arme anti-Covid sous-exploitée
En avertissant du manque d’aération, cet outil pourrait freiner la diffusion du virus dans les écoles et ailleurs.
ANNE-LAURE FRÉMONT
Une élève de l’école primaire de Heidwiller (Haut-Rhin) surveille, le 11 janvier, la concentration de CO2
dans sa classe grâce à un détecteur installé sur un bureau. Un doublement du taux dans un espace clos
peut multiplier par deux le risque de transmission du Covid-19.
Un geste simple pourrait suffire à éviter que cette rentrée à haut risque ne tourne au fiasco : ouvrir les fenêtres. Cela peut paraître trivial, mais l’aération des pièces constitue l’une des armes les plus simples et les plus efficaces pour limiter la propagation du Covid-19. Il ne fait désormais plus de doute que la transmission « aéroportée », c’est-à-dire via des gouttelettes microscopiques pouvant rester en suspension des heures, constitue une voie de transmission
majeure. La consigne d’aérer les pièces serait encore trop « superficiellement » recommandée par les autorités, juge un récent éditorial du British Medical Journal. En France, il aura par exemple fallu attendre octobre 2020 pour que l’aération s’ajoute à la liste officielle des gestes barrières.
ÉPIDÉMIE
Mais à quelle fréquence et dans quelles situations ? Il n’est évidemment pas possible de mesurer directement la quantité d’aérosols potentiellement infectieux contenue dans une pièce… En revanche, des chercheurs de l’université du Colorado à Boulder confirment l’efficacité des capteurs de dioxyde de carbone (CO2) comme outil indirect d’estimation du risque d’infection, dans une étude parue ce mois-ci dans la revue Environmental Science & Technology Letters. En respirant, une personne émet en effet du dioxyde de carbone qui s’accumule si la pièce n’est pas
correctement ventilée. Si cette personne est malade, le risque d’infection augmente à mesure que la concentration en CO2 s’élève dans la pièce. Les chercheurs estiment qu’un doublement des taux de CO2 peut multiplier par deux le risque de transmission. Ce constat ne date pas d’hier : une étude menée en 2019 dans une université taïwanaise suggérait déjà que l’amélioration du taux de ventilation à des niveaux de CO2 inférieurs à 1 000 ppm (parties par million) était associée « à une diminution de 97 % de l’incidence de la tuberculose chez les contacts ».
Bien sûr, il n’existe pas un niveau de concentration de CO2 unique à partir duquel un espace est considéré comme sûr mais le CO2 peut servir d’« indicateur », selon Jose-Luis Jimenez, chimiste atmosphérique coauteur de cette étude. La concentration en dioxyde de carbone est, par exemple, un indicateur clé de la qualité de l’air. En extérieur, elle est de l’ordre de 400 ppm et la norme européenne EN 13779 indique qu’elle ne doit pas dépasser les 1 000 ppm en milieu clos. Quant aux taux supérieurs à 2 000 ppm, ils peuvent tout simplement avoir en eux-mêmes un effet nocif
pour l’homme.
Jose-Luis Jimenez et ses collègues ont créé un outil pilote permettant d’évaluer le risque de transmission du virus en fonction de certaines situations. « Notre outil prend en compte la taille de la pièce, comment elle est ventilée, si l’air est filtré, combien de personnes s’y trouvent, depuis combien de temps, si elles portent des masques, si elles parlent, crient, chantent, font du sport ou sont silencieuses. Tous ces facteurs aident à prédire le risque d’être contaminé dans une pièce », explique le chercheur. Grâce à ce simulateur – encore difficile à manier pour un néophyte -, son équipe a réussi à reproduire des événements de propagations passés, assure-t-il.
Les chercheurs plaident ainsi pour l’usage de ces capteurs de CO2, que l’on trouve dans le commerce pour quelques dizaines d’euros. « C’est une façon de se protéger à un moindre coût, un outil pratique, facile à interpréter (…), qui n’est peut-être pas parfait mais qui peut répondre à la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons », estime Jose-Luis Jimenez. Pour l’épidémiologiste Antoine Flahault, c’est simple : « On ne devrait pas ouvrir de lieux clos au public
sans prévoir l’installation de capteurs de CO2 judicieusement placés », à savoir au milieu d’une pièce, loin des fenêtres, de ses occupants (hommes ou animaux) ou d’autres sources potentielles de CO2 (feu de cheminée). «La mesure en continu de la concentration en CO2 dans l’air à l’aide de capteurs, dont le coût n’est pas excessif, doit être encouragée», reconnaît de son côté la Direction générale de la santé (DGS), qui rappelle que leur usage est déjà fortement recommandé pour les commerces. Et il pourrait en être de même « lorsque sera autorisée la réouverture des
restaurants en intérieur », ajoute la DGS. De là à les rendre obligatoires ? « Ce n’est pas à l’ordre du jour », indique-t-on à Bercy. La DGS précise en outre que ces dispositifs, dont le prix « est relativement modeste (moins de 50 €), restent à la charge du responsable du lieu ».
Dans les établissements scolaires, certains réclament leur généralisation, à l’instar des syndicats enseignants. Certaines écoles en ont déjà fait l’acquisition, des enseignants en apportent en classe de leur propre initiative, et jusqu’à 500 capteurs doivent notamment être déployés dans les établissements parisiens. Mais si le premier ministre Jean Castex a encouragé l’usage « de capteurs de CO2 et de purificateurs d’air » pour les collectivités lors de sa conférence de presse
jeudi dernier, il n’a pas annoncé de budget dédié. Et pour l’Association des maires de France, cet achat ne devrait pas être imposé « dans des délais restreints et pour un coût d’investissement conséquent ». ■
50 EUROS
Le prix maximal (et modique) pour équiper d’un détecteur de CO2 un lieu collectif
Le Figaro – mardi 27 avril 202
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Annonce faite sur le site de la ville de Paris le 28/04/2021 : 500 capteurs de CO2 dans les établissements scolaires
https://www.paris.fr/pages/covid-19-500-capteurs-de-co2-dans-les-etablissements-scolaires-17497
Le Figaro – jeudi 2 septembre 2021
SOCIÉTÉ
L’aération bénéficierait aussi aux élèves à plus long terme
CYRILLE VANLERBERGHE
L’UTILISATION de capteurs de CO2 pour vérifier la bonne aération des classes afin d’éviter les contaminations par le Sars-CoV-2 pourrait avoir des bénéfices à plus long terme pour les enfants, ou les employés de bureau, même après la fin de l’épidémie. Car la quantité de gaz carbonique accumulée par la respiration est non seulement un bon indicateur de la qualité de la ventilation, mais peut aussi avoir des effets directs sur les performances psychomotrices.
Plusieurs études avaient trouvé que les résultats scolaires ou les capacités psychomotrices sur des lieux de
travail baissaient quand le taux de CO2 augmentait. Mais on pensait au début qu’il s’agissait plutôt d’un effet des divers contaminants chimiques ou biologiques de l’air intérieur, faute d’une ventilation suffisante. Les polluants n’étaient pas forcément identifiés, mais leur impact semblait lié à ce qu’on appelle de manière assez générique le syndrome des bâtiments malsains, dont les effets sont mesurés au-dessus de 850 ppm (parties par million) de CO2. Un seuil bien supérieur au taux normal de 400 ppm mesuré en extérieur, mais très en dessous de ce qu’on pensait être le seuil des effets aigus du CO2 sur la santé, à 10 000 ppm.
En 2012, une petite étude de chercheurs du laboratoire Lawrence Livermore en Californie, menée sur
22 adultes dans un environnement contrôlé, montrait pour la première fois que les capacités de prise de
décision et de résolution des problèmes étaient directement affectées par la hausse du taux de CO2 au-dessus de 1000 ppm, sans présence d’autres polluants de l’air intérieur. C’est donc bien le gaz carbonique qui semble affecter les performances intellectuelles. En 2013, un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) notait l’existence de ce résultat américain, mais remarquait que des études supplémentaires étaient nécessaires pour confirmer cet effet intrinsèque du CO2.
C’est désormais le cas, puisqu’une étude de 2016, menée par des chercheurs de Harvard, montre que
l’impact est bien réel. Les scores cognitifs sont supérieurs de 101 % dans un local bien aéré (autour de
550 ppm de CO2) par rapport à ceux où le taux moyen est supérieur à 900 ppm. Or, des mesures effectuées dans de très nombreuses classes d’écoles, de collèges et de lycées en Europe montrent que le taux de CO2 dépasse très souvent les 2 500 ppm, avec des pics atteignant parfois 6 000 ppm en fin de journée dans les classes les moins bien ventilées. Une étude danoise de 2016 montrait qu’une mauvaise ventilation, souvent pour éviter de refroidir les classes en hiver, faisait baisser en moyenne de 30 % les performances scolaires des enfants.
Le Figaro – jeudi 2 septembre 2021
Un capteur de CO2 dans une classe de l’école Marcel-Pagnol, à Cannes.
« Le capteur de CO2 est un outil utile, donc nous poussons à sa généralisation » a affirmé, lors
de sa conférence de rentrée du 26 août, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale. Une
affirmation qui reste pourtant floue et tardive selon la majorité des syndicats de la profession, assure Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Syndicat général de l’Éducation nationale CFDT (SGENCFDT). À dix jours de la rentrée des classes, cette déclaration empêche nombre de collectivités de s’équiper en capteurs de CO2 avant le jour fatidique du retour des élèves.
« Nous demandons depuis l’été 2020 des dispositifs pour améliorer la capacité à aérer les salles de classe »,
« Quand des consignes aussi claires ne sont données qu’à partir du mois d’août, cela complique sa
mise en place, qui ne se fait pas en quinze jours, plus tôt aurait été mieux, mais maintenant que c’est là, il
faut s’en saisir » ajoute Catherine Nave-Bekhti et abonde Isabelle Fery, vice-présidente de la Fédération nationale des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP), tout en soulignant le coût important pour les collectivités locales, malgré la possibilité de demander un aide, qui n’est aujourd’hui pas chiffrée.
Dans une interview au JDD , Jean-Michel Blanquer a en effet affirmé que le gouvernement pourrait aider les collectivités .
« On demande que des travaux soient faits, permettant de s’assurer qu’on puisse ouvrir les fenêtres dans les salles de classe et cantine », « Nous pensons que cela devrait être obligatoire, surtout dans les salles dont les fenêtres sont bloquées, ou qui en sont dépourvues : malheureusement, cela existe encore ! »
« C’est la santé de nos jeunes et de nos enseignants qui est en jeu » explique Isabelle Ferry. Un coût qui, selon elle, risquerait d’aggraver les inégalités entre les élèves et pourrait se traduire par l’équipement de seulement quelques salles dans certains établissements.
« Dans l’académie d’Aix-Marseille, il y a plus de 480 écoles, comment voulez-vous que la mairie les équipe
tous ? Pour certaines collectivités, c’est impossible, il faudrait une aide importante de l’État » « Nous avons toujours en tête la déclaration d’Emmanuel Macron et son “quoi qu’il en coûte”, nous estimons qu’il n’y a pas à faire d’économie là-dessus »,
« Installer ces capteurs de CO2, cela a une visée scientifique aussi : sur une semaine, un mois, on peut voir si, en ouvrant les fenêtres un certain temps, on améliore la qualité de l’air ou non, ou s’il faut aérer plus longtemps par exemple. »
Elle regrette ainsi que cette absence de travaux et de mise en place de capteurs de CO2 soit un angle mort du protocole sanitaire.
« Cela fait 18 mois que l’on sait que la diffusion par aérosol est un des points clefs de la contamination par le virus, il faut ouvrir les fenêtres, certes, mais qu’on ne soit pas en mesure d’équiper les établissements scolaires, c’est surréaliste. »
Le Figaro – jeudi 2 septembre 2021
ÉCOLE
Capteurs de CO2 dans les écoles : les raisons du retard français
Sylvie Lecherbonnier
Les collectivités locales attendent un soutien financier de l’Etat
Après dix-huit mois de pandémie et malgré les connaissances acquises sur la transmission par
aérosols du SARS-Cov-2, l’installation de capteurs de CO et de purificateurs d’air au sein des
établissements scolaires ne fait pas consensus dans le milieu politique français. Le conseil
scientifique, dans sa dernière note d’alerte du 20 août, en a pourtant encore rappelé l’importance.
Mais rien n’y fait.
Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, au premier chef, n’est pas totalement convaincu.
Capteurs et surtout purificateursne sont pas l’alpha et l’oméga de la lutte contre le Covid. Le sujet du vaccin est infiniment plus important, celui des tests aussi », a-t-il à nouveau déclaré mercredi 1 septembre sur France Inter.
Jean-Michel Blanquer encourage néanmoins la généralisation de ces appareils, sans les rendre obligatoires, et s’engage à aider les collectivités territoriales qui auraient des difficultés à les financer, sans préciser pour le moment les modalités et le budget de cet accompagnement. L’installation de ces équipements relève en effet
des collectivités territoriales. Les communes ont la charge des écoles, les départements des collèges et les
régions des lycées. Le prix des capteurs varie de 50 euros à 400 euros selon qu’ils soient mobiles ou fixes et
qu’ils enregistrent ou non les données.
Les collectivités ont accéléré l’achat de ces appareils depuis le printemps et singulièrement en cette rentrée.
Carole Delga, la présidente de Régions de France, n’a pas encore de remontées chiffrées à l’échelle nationale.
, assure l’élue socialiste, citant l’Auvergne-Rhône-Alpes, le Centre, le Val de Loire, l’Ile-de-France, les Hauts-de-France… L’Association des maires de France a lancé une enquête auprès de ses adhérents pour dresser un inventaire plus précis.
« Mais beaucoup de territoires s’y mettent »
Vertus pédagogiques
Pour ceux qui ont franchi le pas, les vertus pédagogiques des capteurs ne sont plus à prouver. Au-delà d’un
seuil, l’appareil signale, la plupart du temps par un voyant lumineux, une trop grande concentration de CO2 . Il
est alors temps d’ouvrir les fenêtres, relève Olivier Richefou, le président (UDI) du conseil départemental de la Mayenne, qui a équipé 300 classes au printemps et commandé 800 nouveaux appareils pour la rentrée, afin d’arriver à un capteur par classe dans les collèges mayennais. La ville de Cannes a elle aussi choisi cette installation systématique, assure Dominique Aude-Lasset, directrice générale adjointe des services.
« Ils aident à prendre de nouvelles habitudes et à aérer plus souvent »
« Nous venons de former tous les directeurs de la ville à l’utilisation de ces outils »
La stratégie d’un capteur par salle de classe fait néanmoins figure d’exception. Les collectivités privilégient les
capteurs mobiles et leur mise en place dans les cantines, voire les gymnases, défend Olivier Blond, délégué
spécial à la lutte contre la pollution de l’air de la région Ile-de-France. Autre avantage de ces outils, selon
Charlotte Brun, adjointe à la mairie de Lille, qui a mis en place un programme sur la qualité de l’air de ses écoles
depuis 2013 :
« Le risque de contagiosité est plus élevé dans ces endroits, où il y a plus de brassage et où on enlève le masque »
« Le traitement de l’enregistrement des données, quand il est possible, permet de repérer les classes mal ventilées et d’engager les travaux nécessaires. »
Réticence budgétaire
Ouvrir les fenêtres en grand n’est parfois pas si simple dans les établissements vieillissants ou dans les classes
situées à l’étage ou en sous-sol. Les purificateurs d’air entrent alors en jeu. Mais les collectivités sont plus
réservées sur ces équipements. Le coût plus important, de 400 euros à plus de 1 000 euros l’unité, constitue un
frein, de même que les nuisances sonores qu’ils peuvent occasionner. La ville de Cannes s’en est dotée d’une
centaine pour les réfectoires et les dortoirs en école maternelle, remarque Dominique Aude-Lasset.
« Le changement des filtres entraîne une maintenance assez conséquente »
D’autres collectivités restent perplexes. Dans la ville d’Arras, les mesures de qualité de l’air réalisées au
printemps avec une simple aération ont montré des résultats satisfaisants, fait savoir la municipalité. Même
analyse du côté du conseil départemental de la Sarthe, revendique son président, Dominique Le Mèner.
« A quoi bon privilégier des solutions techniques à des gestes de bon sens ? Le business qui se crée autour de la pandémie doit aussi nous interpeller »
La principale réticence s’avère budgétaire, alors que villes, départements et régions ont déjà pris en charge le surcoût lié à une désinfection plus poussée des établissements scolaires ou à la distribution de masques.
La Ville de Paris a déployé 500 capteurs à ce jour. La municipalité, sous la plume de ses adjoints Patrick Bloche et Anne Souyris, vient d’écrire à Jean-Michel Blanquer et Olivier Véran pour demander de l’aide pour aller plus loin.
Dix départements, sous la houlette de Michel Ménard, le président socialiste du département de Loire-Atlantique, souhaitent l’ouverture d’une concertation pour obtenir . « Une généralisation des capteurs à l’ensemble des 11 000 salles de classe de la ville est estimée entre 3 et 4 millions d’euros. Une ville ne peut financer à elle seule un tel dispositif « , met en avant Carole Delga. Des demandes qui vont prendre de l’intensité à mesure que l’automne va arriver et inciter, avec la baisse des températures, à laisser les fenêtres fermées.
Comment bien choisir et utiliser correctement
un détecteur de CO2
ANNE-LAURE FRÉMONT
LES AUTORITÉS sanitaires le martèlent depuis des mois : bien aérer un lieu clos permet de réduire le risque de contamination en dispersant les particules de Sars-CoV-2 en suspension dans l’air. Pour cette rentrée scolaire, les enseignants sont donc invités à ouvrir les fenêtres des salles de classe « au moins 15 minutes le matin avant l’arrivée des élèves, pendant chaque récréation, pendant les intercours, au moment du déjeuner et pendant le nettoyage des locaux. Une aération d’au moins 5 minutes doit également avoir lieu toutes les heures », prévoit le protocole sanitaire édicté par le ministère de l’Éducation nationale. Et ce dernier préconise désormais d’équiper les salles de capteurs mobiles mesurant la concentration de dioxyde de carbone « afin de déterminer la fréquence d’aération nécessaire pour chaque local ».
Dans un avis paru en juin dernier, l’Académie des sciences rappelle en effet que « lors de l’expiration, on
exhale du CO2 ainsi que des aérosols, éventuellement porteurs de virus et responsables de potentielles
contaminations. La mesure de la quantité de CO2 dans l’air permet donc de contrôler et améliorer la
ventilation ». Sachant qu’en extérieur la concentration de CO2 dans l’air est d’environ 400 ppm (parties par million), elle ne devrait pas dépasser 800 ppm en lieu clos, selon le Haut Conseil de la santé publique (voire 600 ppm dans les lieux où le port du masque n’est pas possible – restaurants, maternelles… – et la
concentration en particules virales potentiellement plus importante pour un même taux de CO2).
Encore faut-il choisir le bon outil pour effectuer ces mesures. Le HCSP – entre autres – recommande ainsi
l’achat de détecteurs de type « NDIR » (Non Dispersive InfraRed, aussi appelés détecteurs infrarouge). Ils
émettent un spectre de lumière infrarouge et évaluent la quantité qui est absorbée par le CO2 afin de
déterminer sa concentration Les dispositifs de ce type sont « précis et relativement stables
car ils ne mesurent pas autre chose »,
« Ce n’est pas le cas d’autres technologies, comme celles basées sur une réaction chimique : elles sont moins fiables dans le temps et souvent sensibles à d’autres choses que le CO2, notamment le parfum. »
(voir infographie). estime François Pétrélis, directeur de recherche CNRS au Laboratoire
de physique de l’École normale supérieure et membre du ProjetCO2*, un groupe d’enseignants-chercheurs promouvant l’importance de ces mesures.
Pour un appareil de qualité, il faudra selon lui débourser au moins 70 euros (le capteur infrarouge coûtant à lui seul une cinquantaine d’euros). Le prix varie ensuite en fonction de ses différentes fonctionnalités
(mémoire, alimentation, capacité à exporter les résultats…). Il sera également bien plus cher s’il est calibré
en usine par un professionnel. « Dans ce cas, comptez au moins 300 euros ». Si ce n’est pas le cas, il faudra effectuer l’étalonnage soi-même, une procédure assez simple qui consiste à placer le capteur en extérieur (hors période de pic de pollution bien sûr), d’appuyer sur un bouton et d’attendre une quinzaine de minutes généralement, le temps de la procédure d’étalonnage. La concentration en CO2 dehors doit alors correspondre à environ 400 ppm. Afin de limiter les coûts, « l’idéal est d’avoir un appareil étalonné en usine par établissement scolaire qui servira de référence pour régler les autres, Pour ceux-là, il faudra vérifier le calibrage de temps en temps (tous les 15 jours par exemple). » conseille François Pétrélis.
Un investissement
Pour un usage optimal, le HCSP recommande de placer le capteur « entre 1 m et 2 m de hauteur, ce qui
correspond à la hauteur de la couche d’air que nous respirons »… mais pas à proximité immédiate de la
bouche d’une personne (une expiration contient en effet 40 000 ppm de CO2 !, NDLR). Il doit se trouver loindes fenêtres et des portes, mais pas forcément en plein milieu de la salle. « Comme la plupart des appareils électroniques, il faut éviter de le placer à proximité immédiate d’une source intense de chaleur (chauffage), rappelle en outre le Haut Conseil. Il est par exemple possible de placer le détecteur sur un mur ou sur le bureau de l’enseignant. »
L’Académie des sciences rappelle de son côté que l’usage de ces détecteurs doit être considéré « comme un investissement aux bénéfices à long terme, notamment sur la santé des élèves et des professeurs »
. Ce ne sont pas de simples « gadgets », abonde François Pétrélis : « On ne s’en rend pas compte,
mais dans une pièce mal aérée, les valeurs augmentent très vite : il suffit d’une demi-heure dans une classe pour qu’elles dépassent largement les 1 000 ppm… Et souvent, ouvrir une fenêtre ne suffit pas, il faut uncourant d’air. Le capteur permet d’objectiver cela. » Et alors que les températures vont fraîchir, ce dispositif va également permettre d’ouvrir juste ce qu’il faut, sans ventiler « à l’aveugle ».
(lire cidessous)
*https://projetco2.fr/
Le Figaro – jeudi 2 septembre 2021
LA VACCINATION NE SUFFIRA PAS
Ce grand plan ventilation sans lequel nous ne nous sortirons pas du Covid
avec Antoine Flahault (Publié sur ATLANTICO en Juillet 2022)
Atlantico : Alors que le gouvernement songe à une prolongation du pass vaccinal comme l’a révélé, force est de constater que très peu a été fait sur les autres mesures de lutte contre le virus, et notamment sur l’aération et la ventilation. Vous plébiscitez un “grand plan ventilation”. A quoi pourrait ressembler concrètement ce grand plan ? Quels seraient les chantiers prioritaires ? Les mesures à mettre en place d’urgence ?
Antoine Flahault : Les gouvernements dans le monde entier ont d’abord eu à répondre dans l’urgence à cette pandémie dévastatrice. La riposte s’est articulée en deux premières phases. Celle d’avant l’arrivée des vaccins, jusqu’en mai-juin 2021, durant laquelle la plupart des pays ont eu recours à des mesures fortes, de méthodologie ancienne, presque moyenâgeuses, comme les confinements, les quarantaines et les couvre-feux. Puis, avec l’utilisation massive des vaccins et de médicaments efficaces contre le virus et ses complications, à part en Chine et en Corée du Nord, presque toutes les mesures fortes non pharmaceutiques ont été progressivement abandonnées. Seul le port du masque a subsisté de l’ère pré-vaccinale. Si les vaccins ont considérablement contribué à protéger la population contre les formes graves, ils n’ont malheureusement pas permis de freiner suffisamment les transmissions, et de nouveaux variants ont émergé, conduisant à une succession, à peu près tous les trois ou quatre mois, de vagues de contaminations avec leur cortège d’hospitalisations, de décès et de Covid longs dont on ignore encore tous les contours. Certes, on a quitté l’ère moyenâgeuse et la population se réjouit dans son ensemble d’avoir pu retrouver une vie sociale plus proche de la vie d’avant. Mais la très forte transmissibilité des nouveaux variants, a conduit, malgré la baisse prononcée du taux de létalité grâce à la protection vaccinale, à des nombres absolus de décès Covid-19, qui en Europe, sont restés voisins en rythme annuel en 2020, 2021 et durant le premier semestre 2022.
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Il est donc temps de réfléchir désormais à une troisième phase dans la réponse à cette pandémie qui viserait à continuer à vivre “comme avant” la pandémie, tout en limitant davantage les hospitalisations et la mortalité du Covid-19. Pour cela, il conviendrait désormais de s’attaquer à la source même de la transmission du coronavirus, afin de réduire considérablement les contaminations et de ce fait réduire substantiellement la mortalité du Covid-19, quels que soient les variants et sous-variants circulants. Comme 95 à 99% des contaminations semblent survenir dans les lieux clos, mal ventilés qui reçoivent du public, l’amélioration de la qualité de l’air intérieur dans l’ensemble de ces lieux pourrait être d’une très grande efficacité pour réduire les risques de transmission par le coronavirus et ces complications associées. Si les travaux à prévoir s’avèrent nécessiter de longs et coûteux investissements, on pourrait en effet fixer des priorités guidées par l’épidémiologie. Les écoles et les universités, les EPHAD et les hôpitaux, les transports publics, les bars, restaurants, clubs, les bureaux partagés pourraient être les premiers lieux concernés, pourquoi pas dans cet ordre d’ailleurs. Les habitations privées et les commerces pourraient suivre progressivement.
Sans un grand plan de ventilation et d’aération, pouvons-nous vraiment espérer sortir du Covid ?
Sans un plan “Ventilation”, on peut s’attendre à rester à la deuxième phase de la riposte à la pandémie que j’ai décrite. Nous aurions un gouvernement qui n’aurait pas su enclencher la troisième ! Mais cela aurait des conséquences lourdes en matière sanitaire, sur la tension hospitalière et à terme sur la vie sociale et économique du pays. Et la population vivrait sous la menace permanente de l’émergence d’un variant plus virulent encore, causant plus d’hospitalisations et de décès et risquant de la ramener à la période que j’appelais “moyenâgeuse”, celle des confinements, des quarantaines et des couvre-feux.
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Certains pays étrangers se sont plus mobilisés que nous sur ce sujet, y-a-t-il des exemples à reprendre ?
La Belgique a lancé au printemps un plan « Ventilation » de portée nationale et s’étalant sur plusieurs années.
Les Etats-Unis ont lancé également une initiative présidentielle qui vise à promouvoir et inciter les investissements en la matière. En Asie, plusieurs pays démocratiques rapportent l’utilisation d’applications qui renseignent la population sur la concentration de CO2 dans les commerces ou les cinémas, entretenant une saine émulation entre eux pour vanter à leurs clients la qualité vérifiée de l’air intérieur dans leurs locaux.
En Suisse, dans le canton des Grisons, une équipe de chercheurs a épaulé les autorités pour mesurer la concentration de CO2 dans les salles de classes, montrant bien souvent la piètre qualité de l’air intérieur (60% des salles de classes affichaient plus de 2000 ppm, la norme se situant au-dessous de 600 ppm), avec une forte corrélation entre la concentration de CO2 et le taux d’infections par Covid-19 dans les classes.
La connaissance de la mesure de la qualité de l’air intérieur est la première étape pour guider les travaux à conduire visant à améliorer la situation.

Quelle est aujourd’hui la logique et l’efficacité réelle qu’on peut attendre de la prolongation ou d’une remise en vigueur du pass vaccinal, votée par le parlement européen et projetée par le gouvernement? N’est-ce pas là encore s’en remettre au tout vaccinal ?
Le vaccin nous a conduit à passer du moyen âge à l’époque moderne de cette pandémie, ne l’oublions pas. Grâce aux vaccins et donc au pass sanitaire puis vaccinal, la couverture vaccinale des Français a considérablement progressé et la tension hospitalière s’est réduite notablement. La prolongation de ces mesures reflète cependant un certain manque de vision sur l’avenir, une forme de perpétuation de la deuxième phase de la riposte, semble-t-il par manque d’imagination ou de leadership (ou des deux). Il y a dans ces demi-mesures annoncées une approche passive et réactive vis-à-vis de la pandémie, alors que l’on a besoin aujourd’hui de chercher à en sortir de manière proactive et avec anticipation.
Un système de ventilation installé dans une salle de classe à l’école IGS de Mayence, dans l’ouest de l’Allemagne, le 12 novembre 2020.
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Alors que l’Assemblée nationale est divisée et sans majorité, est-il essentiel au vu de la la situation sanitaire, et du retard français sur la question de la ventilation, de réussir à trouver un consensus pour un grand plan sur le sujet ?
Lorsque John Snow en 1854 avait identifié que la mauvaise qualité de l’eau de boisson était la cause du choléra qui causait de grandes épidémies dans nos villes au XIXème siècle, il a fallu plus de 50 ans avant que Londres et Paris entreprennent de vastes travaux d’assainissement visant à améliorer la qualité des eaux de boisson, soit en les séparant des eaux usées, soit en filtrant ou encore en purifiant les eaux usées. Je ne sais pas combien de temps il nous faudra pour jouir d’un air intérieur ayant une qualité microbiologique voisine de celle de l’air extérieur. Mais il faudra viser à renouveler notre air expiré, le filtrer ou le purifier pour que l’air inspiré soit débarrassé au maximum du risque de contracter le coronavirus ou le virus de la grippe. Aujourd’hui, si des personnes porteuses du bacille du choléra arrivaient à Paris, les habitants n’auraient aucun risque de contracter le choléra. Il n’en est pas encore de même avec le Covid-19 ni la grippe. C’est pourtant l’objectif que nous devons viser. Cela prendra du temps, mais la leçon de cette pandémie est peut-être que ce plan “ventilation” que nous appelons de nos vœux est inéluctable. Il doit se penser avec des ingénieurs et techniciens spécialistes du domaine, en respectant les principes de parcimonie énergétique et en visant la plus faible empreinte carbone des travaux entrepris.